Usure de compassion… vraiment?

Proche aidance

Vous prenez soin de votre proche depuis peu ? Depuis longtemps ? Vous avez un(e) ami(e) qui prend soin de son parent ? Cet article vous ait dédié. En effet, dans cet article le sujet exploré est celui de l’usure de compassion. Savez-vous ce qu’est l’usure de compassion ? Comment elle s’insère dans votre vie ? Quelles en sont les conséquences possibles ? La grande question est plutôt celle-ci : comment pouvez-vous vous protéger de l’usure de compassion ? 

Cet article a comme objectif de vous sensibiliser à ce phénomène qui peut être parfois trompeur. Vous saurez ainsi comment vous protéger ou comment sensibiliser une connaissance qui serait à risque d’en vivre à travers son rôle de proche aidant. 

Qu’est-ce que l’usure de compassion ? 

Certaines personnes, avec le temps, deviennent des personnes proches aidantes. Toujours de façon réfléchie et volontaire ? Non. Il suffit d’un accident, d’une perte d’autonomie ou autre, et oups… la vie prend un autre tournant. Être proche aidant, c’est un rôle en soi, qui s’ajoute à celui d’enfant, de conjoint, de travailleur, etc. 

Dépendamment de votre capacité personnelle, de votre contexte de vie, de votre qualité de vie au travail, de votre santé, de votre réseau d’aide, le rôle de proche aidant peut se vivre de différentes façons. Ce n’est pas un parcours linéaire qui se vit d’une seule et même façon. Il serait même possible de dire que pour certaines personnes, ce rôle en sera un complexe. La proche aidance implique des sensations, des émotions, des questionnements, des besoins. Combien de personnes qui donnent plus de 2 heures par semaine à un proche diront : « Oh, mais je ne suis pas proche aidant ! J’aide ma mère, c’est normal, c’est tout » ? En 2016, cela représentait une personne proche aidante sur 3 qui pouvait donner entre une et 20 heures par semaine1

Se reconnaître comme proche aidant est déjà un bon pas vers la prise de conscience du risque d’être fatigué, de comprendre l’importance de bien s’entourer et de prendre soin de soi. La fatigue peut finir par se ressentir à différents niveaux, ce qui pourrait vous mener vers l’usure de compassion qui est : 

« liée à une compassion extrême, à un désir profond d’aider l’autre quitte à s’oublier, ce qui mène à une perte d’énergie psychologique, émotionnelle et physique. C’est une usure qui s’installe de façon lente et graduelle et qui se produit lorsque la personne qui aide n’est plus capable de se ressourcer et de retrouver son énergie »2

Pour bien comprendre ce que l’usure de compassion peut provoquer, prenez un élastique entre vos 2 index et tendez-le légèrement. Ceci représente un état mental et physique normal dans une journée. Le soir, vous vous couchez, dormez bien et le lendemain au réveil vous serez frais et dispo. Votre élastique sera dans une posture plus molle. Plus la journée avancera, plus il redeviendra un peu tendu, mais au lendemain, vous serez en pleine forme. Ceci est une fatigue normale. 

Le temps avance, vous continuez votre implication auprès de votre proche, mais prenez peu de temps pour vous. Comment se comportera votre élastique ? Remettez-le entre vos 2 index. Tendez-le un petit peu plus. À ce moment-ci, même si vous dormez assez bien, vous vous réveillerez déjà un petit peu tendu. Votre élastique ne retrouve pas sa forme plus molle ; la tension demeure. C’est la lassitude qui commence à s’installer. Si vous êtes capable de la reconnaître et prenez les moyens pour la chasser, vous reviendrez dans un état de fatigue plus normal qui disparaît après une bonne nuit de sommeil. 

Par contre, si vous vous oubliez, êtes toujours à courir pour répondre à tous les besoins de votre proche, que votre empathie se transforme en sympathie…votre élastique sera tendu au maximum. Remettez votre élastique entre vos 2 index et tendez-là sans le casser. Ceci représente votre état tel qu’il vient d’être décrit. Vous vous couchez, la tête remplie d’une liste de choses à faire pour demain, après-demain, la semaine prochaine… Oups ! Le réveille-matin sonne…déjà 8h ! Vous vous sentez engourdi, avez le visage bouffi et vous êtes déjà stressé pour la journée à venir. Votre élastique au matin, entre vos 2 index, sera déjà au maximum de sa tension. La journée ne fait que commencer. Qu’arrivera-t-il lorsque s’ajouteront les petits problèmes de la journée ? Tentez l’expérience. Et oui ! votre élastique se brisera.  

Par chance, avec un élastique, il est toujours possible de faire un nœud. Si vous reprenez votre élastique entre vos 2 index et tenter de le tendre, vous sentirez qu’il est plus fragile, par contre. C’est la même chose pour une personne.

Avant de vous rendre à l’usure de compassion, prenez le temps de vous connaître, de connaître vos limites et d’être capable de les respecter.  

L’usure de compassion ne touche pas seulement que les proches aidants, mais bien toutes les personnes qui se trouvent dans une relation d’aide3. Vous pourriez donc reconnaître l’usure de compassion chez des bénévoles et même chez des intervenants. 

Comment la reconnaître ? 

Plus spécifique aux proches aidants, les symptômes de l’usure de compassion peuvent se traduire par : de la colère, de l’inquiétude, de l’anxiété, de l’intolérance, un sentiment d’impuissance très fort, des problèmes liés au sommeil, de la fatigue, de l’épuisement et des troubles de l’alimentation4. Ces mêmes symptômes peuvent se reconnaître chez les bénévoles et les intervenants. Ces derniers, par contre, verbaliseront avoir l’impression qu’ils travaillent mal et qu’ils n’en font jamais assez5

Pourquoi l’usure de compassion peut être trompeuse ? 

L’usure de compassion peut ressembler à de la dépression, un épuisement professionnel ou encore un traumatisme vicariant. Alors que l’épuisement professionnel est plus en lien avec le travail (surcharge, augmentation des éléments stresseurs professionnels, incapacité de répondre aux exigences, d’atteindre des objectifs), le traumatise vicariant se caractérise comme étant un traumatisme par imitation. Les histoires entendues à répétition finissent par s’intégrer à la personne et changer sa vision du monde, un peu comme si elle avait elle-même vécu l’histoire6

Les professionnels de la santé sont de plus en plus conscients de cet enjeu que peuvent vivre les personnes en relation d’aide. Si vous vous sentez parfois impuissant devant la souffrance d’autrui, que vous sentez que l’élastique est toujours un peu tendu, n’hésitez pas à consulter ou aller vous chercher de l’aide. Cette aide peut se retrouver chez des amis ou la fratrie. Sinon, il existe aussi des organismes qui pourront vous répondre, vous guider, vous aider. N’hésitez pas à cogner à des portes ou faire sonner des téléphones. Les services ne sont pas là seulement pour les autres, mais pour vous aussi. 

Vous protéger contre l’usure de compassion 

Pour diminuer le risque de vivre de l’usure de compassion, il faut savoir s’arrêter et prendre soin de soi. Quelques minutes ou quelques heures juste pour vous, ce n’est pas un luxe, c’est un besoin. Comment prendre soin de soi ? Dans un contexte de proche aidance, prendre soin de soi commence par trouver des activités potentielles pour vous ou qui vous permettent de quitter le domicile sans avoir une crainte constante dans votre esprit qu’il pourrait arriver quelque chose pendant votre absence. La sortie ou l’activité doit prendre toute la place dans votre esprit. Il n’y a rien d’égoïste là-dedans. Comment pourriez-vous profiter pleinement d’une activité si vous ne cessez de penser au risque de chute, à la gestion de la médication, au fait que votre proche pourrait vous quémander, etc. ? Il faut aussi être capable de déléguer des tâches, tout en sachant pertinemment qu’elles pourraient ne pas être faites aussi bien que vous le feriez et faire confiance à l’intervenant, le bénévole, le frère ou la sœur qui prendra le relais. 

Prendre soin de soi peut commencer par vous donner le droit d’aller marcher à l’extérieur une ou deux fois par semaine. Marcher, respirer, penser à vos projets. Prendre soin de soi peut aussi se traduire par déguster un bon café d’une machine italienne dans le petit bistro du coin avec des ami(e)s. Prendre soin de soi, c’est peut-être se donner le droit d’aller jouer un 9 trous au golf avec ses amis. Prendre soin de soi, c’est se donner le droit de vivre quelque chose sans se sentir coupable. Ce n’est pas obligé d’être une activité coûteuse, mais pourquoi ne pas demander un certificat cadeau à votre fête pour un massage, un spa ou encore pour participer à un jeu d’évasion ? Quelque chose qui vous tente vraiment et qui vous fera du bien. 

Il existe plusieurs organismes pour vous guider, vous accompagner et vous offrir des services. N’hésitez pas à les contacter. L’Appui pour les proches aidants d’aînés est une belle porte à laquelle cogner. Les intervenants vous référerons aux bons endroits pour avoir des réponses à vos questions et vos besoins. Leur site internet traite aussi de l’usure de compassion et d’autres réalités vécues par les proches aidants.  

Article rédigé par : Caroline Pelletier, M.Sc. en travail social et chercheur au CCEG

Références : 

Appui pour les proches aidants d’aînés. (2016). Portrait démographique des proches aidants d’aînés au Québec. Faits saillants de l’étude produite par l’Appui pour proches aidants d’aînés en collaboration avec la firme SOM-2016. https://www.lappui.org/documents/58/Portrait_d%C3%A9mographique_des_proches_aidants_da%C3%AEn%C3%A9s_au_Qu%C3%A9bec_FAITS_SAILLANTS.pdf 

Fortier, M. (2018). Usure de compassion : jusqu’où aller sans se brûler ?, Presses Inter Universitaires, Québec, 90 p.