En route vers mon Kamouraska!

Voyages

À mesure que les kilomètres s’ajoutent, je laisse grandir cette onde de plaisir et de liberté.

Arrivée à la sortie 341, sous le viaduc, heureux hasard : Félix entonne : « Y’a l’tour de l’île, 42 milles de choses tranquilles… maisons de bois, maisons de pierre, clocher pointu… ».  Juste en face de son vis-à-vis de Saint-Michel-de-Bellechasse.

Je fredonne et me perds dans mes pensées jusqu’à ce que l’estuaire me tende les bras. Mes poumons se gonflent spontanément pour laisser pénétrer cet air salin qui m’est si bénéfique. Mes yeux se plissent pour mieux déceler les moindres détails de cet horizon si profond et envoutant. Mon cœur ralentit la cadence comme pour adopter le rythme du bas du fleuve. Cette lenteur qui permet d’admirer davantage le paysage; cette merveille de la nature de mon si beau Québec.

Tandis que le canola embrase les champs et que le blé danse au gré du vent, les cabourons bien enlignés par les glaciers montent la garde pour protéger les aboiteaux.

Le majestueux, si changeant au gré des vents et des marées, mérite respect. À lui de décider s’il accueille en ses eaux ou s’il se laisse admirer à partir de la batture qui dévoile ses hauts-fonds permettant aux aventuriers de marcher jusqu’à l’île aux Corneilles.

Un brin de patience… le soir venu, le ciel change pour offrir l’immensité d’un spectacle aux couleurs flamboyantes. Nuances indéfinissables, ni rose, ni mauve; ni jaune, ni oranger; ni bleu, ni gris, que plusieurs auront tenté en vain d’immortaliser; c’est peut-être mieux ainsi.

Les maisons aux couleurs vives et aux fenestrations abondantes, joliment et fièrement fleuries nous accueillent.  Ici, on ne tire pas les rideaux.  On laisse la lumière et le reflet des eaux pénétrer les demeures.  On permet ainsi aux quelques passants de fouiner discrètement, voir les tablées bien remplies, percevoir quelques bribes de conversation, des éclats de rires et parfois quelques notes musicales discrètement échappées par-ci par-là.

Marcher le long de l’avenue Leblanc est un pur privilège.  D’ailleurs, les piétons se la sont appropriée.  Nul besoin des autorités, car les piétons dominent et rythment la circulation des voitures.

Que dire des odeurs matinales de varech, toujours aussi envahissantes, mais combien réconfortantes. Un rappel à la mémoire de nos marins!

Vous l’aurez compris. J’affectionne particulièrement ce village, reconnu parmi les plus beaux au Québec. En résumer mon profond attachement tient presque du miracle.  D’ailleurs, n’y a-t-il pas le mot « amour » dans KAMOURASKA?

Mon Kamouraska ne s’est pas livré aussi facilement.  Il s’est laissé désirer, voire apprivoiser. Il y a de cela plus de 30 ans, il m’a permis de piquer ma tente un jour ou deux, histoire de bien me faire sentir les lieux. Puis il m’a accueillie en gîte durant quelques jours afin que je puisse découvrir son village, son haut-pays et aller à la rencontre des gens. Enfin, ayant compris le sérieux de notre relation, il m’a présenté un chalet à louer. De prime abord pas très attrayant, je dois l’avouer. Mais dès que j’y suis entrée, la vue m’a littéralement conquise. Depuis, la vitrine est devenue mon écran de veille. Nul besoin d’en modifier l’image. La nature s’en charge avec bienveillance.

Il aura donc fallu plus de vingt ans de fréquentations annuelles sporadiques pour qu’il me déclare son véritable amour. Dès lors, ses étreintes de deux semaines n’ont pas suffi à me rassasier. Et puis trois, puis huit, puis dix semaines non plus. Plus je loue longtemps, plus il m’est difficile de m’en séparer, tout comme le majestueux et son immensité. Est-ce un signe? Un appel? Qui sait?

Article rédigé par : Renelle Gaudet